Marion à la barre

Après la mort de Bert, Marion a convaincu le conseil de la Bibliothèque d’assurer son maintien. Elle a accepté d’assumer la responsabilité de la direction si le conseil acceptait de s’occuper de la collecte de fonds, une tâche qui faisait partie des fonctions de Bert.

Elle a supervisé le déménagement de la Bibliothèque de la maison des Robinsons de Markham à Toronto, en 1911. La Bibliothèque publique de Toronto a offert deux grandes salles au sous-sol de la succursale de l’Ouest, coin d’Annette et Medland.

 

J’ai emballé tous les livres ... et j’ai dû les transporter seule, quelques uns à la fois
— Marion Robinson

Marion a donné cette description du déménagement : « J’ai emballé tous les livres et je me suis occupée de leur envoi. Les employés de la compagnie de messagerie les ont déchargés sur le trottoir devant la Bibliothèque et j’ai dû les transporter seule, quelques-uns à la fois ».

Sous la direction de Marion, la CFLB a continué de croître et de s’officialiser. En 1912, la Bibliothèque a publié une liste de règlements qui commençait par celui-ci : « Les livres seront envoyés gratuitement à toute personne aveugle au Canada qui transmettra une attestation de bonne réputation signée par une partie responsable, ou qui payera un montant de un dollar ». Le coût pour les livres remis en retard était de deux sous par jour. D’autres règles portaient sur les responsabilités et les privilèges des emprunteurs, ainsi que sur les procédures de vote pour l’assemblée générale annuelle de la Bibliothèque.

Toutefois, le conseil n’a jamais été capable de recueillir suffisamment d’argent pour payer à Marion la somme convenue. Elle a dû réduire ses heures de travail à la CFLB et elle a travaillé à la Bibliothèque publique de Toronto les samedis en après-midi et en soirée « pour joindre les deux bouts ». En 1913, les questions budgétaires ont atteint un point culminant. Sherman Swift, un érudit aveugle qui allait devenir fondateur d’INCA et bibliothécaire pendant plus de 30 ans, avait pris le poste de secrétaire du conseil d’administration de la Bibliothèque après la mort de Bert. Il a offert à Marion 400 $ par année ainsi qu’une augmentation de 50,00 $ par année jusqu’à concurrence de 600 $. (Il est important de souligner qu’en 1907, le défunt mari de Marion, Bert, recevait 1 000 $ par année, mais il devait assumer toutes les dépenses liées au logement et à l’aménagement de la majeure partie de la Bibliothèque.) « Lorsque j’ai protesté en disant que j’avais déjà travaillé à la Bibliothèque pendant sept ans, dont cinq à travailler seule, il m’a répondu que, naturellement, cette somme n’était pas équivalente à la valeur du travail, mais que le conseil ne pouvait pas payer plus et que je ne pouvais pas vivre avec moins. J’ai démissionné sur-le-champ et je suis retourné à l’enseignement. »

Ils ne pouvaient pas payer plus et je ne pouvais pas vivre avec moins
— Marion Robinson

Selon une histoire de la Bibliothèque écrite en 1950, Marion est retournée prêter main-forte à la CFLB les samedis et pendant les vacances d’été.

Marion Robinson (1:16)
Marion Robinson décrit son temps comme bibliothécaire de la CFLB après la mort de son mari
( Lire la transcription du texte narré )

Sherman Swift a pris la relève comme bibliothécaire quelques mois plus tard, au salaire de 1 200 $ par année. S’agissait-il simplement d’un préjugé de l’époque en fonction du genre voulant qu’en tant qu’homme, il ne pouvait évidemment pas vivre avec moins? Devait-il payer un assistant sur son salaire? Le conseil préférait-il le leadership d’un professionnel aveugle à celui d’une enseignante ayant l’usage de ses yeux, c’est-à-dire Marion Robinson? Toutes ces théories ont été suggérées. Cependant, lorsque Marion Robinson a pris la parole en 1956 à l’occasion du 50e anniversaire de la fondation de la Bibliothèque, sa position était claire : « Depuis, j’ai été une ardente partisane d’un salaire égal pour un travail égal. »