Lecture par le son : avant 1950

Le livre parlé a créé de nouvelles occasions de transmettre les mots écrits à ceux qui ne pouvaient pas voir. Cependant, comme dans le cas de l’impression en relief, d’autres inventions et systèmes ont été mis à l’essai et éliminés en cours de route.

Thomas Edison a prévu l’invention des livres parlés lorsqu’il a breveté son invention, le phonographe, en 1877. Il avançait des hypothèses sur diverses utilisations futures de son invention et a reconnu qu’elle rendrait possible « des livres phonographiques qui seraient en mesure de parler aux personnes aveugles sans effort de leur part ». Un autre demi-siècle devait passer avant que sa vision ne se concrétise. Au début des années 30, les défenseurs de l’American Foundation for the Blind (AFB) ont expérimenté la technologie du disque de phonographe longue durée.

Ceci signifierait une révolution par rapport à l’ensemble de la situation, en ce qui concerne la question de la lecture pour les personnes aveugles
— M.C. Megel, American Foundation for the Blind

En 1932, un responsable de l’AFB a écrit à Charles W. Lindsay, un homme d’affaires aveugle de Montréal, pour lui dire que la Fondation faisait des expériences qui pourraient déboucher sur l’utilisation du disque de phonographe pour créer « un soi-disant livre parlé ». Soulignant ses mots pour les mettre en vedette, il a écrit que « ceci signifierait une révolution par rapport à l’ensemble de la situation, en ce qui concerne la question de la lecture pour les personnes aveugles ».

Le système initial du livre parlé de l’AFB a été décrit comme « dix ou douze disques de 12 pouces à deux côtés, chacun de moins d’un quart de pouce d’épaisseur, qui comprendrait un livre complet. Presque toutes les personnes aveugles pourraient apprendre à utiliser un phonographe en deux ou trois leçons, puis lire autant qu’ils le voudraient ». INCA a commencé à prêter un petit nombre de titres de livres parlés au début de 1935. Dix mois plus tard, la collection avait augmenté à 36 titres, avec 82 prêts.

On n’a qu’à s’asseoir et à écouter, comme si un lecteur avec la diction la plus parfaite était dans la salle et racontait l’histoire en personne
— Trail, B.C. Times

Selon un bulletin d’information de la Colombie-Britannique en 1938 : « Pour écouter chaque côté d’un disque il faut de 20 à 25 minutes et on n’a qu’à s’asseoir et à écouter, comme si un lecteur avec la diction la plus parfaite était dans la salle et racontait l’histoire en personne... Il n’y a aucuns frais pour le livre. Il s’agit là de l’un des conforts que l’Institut offre aux hommes et aux femmes ayant une perte de vision ».

Dans les années 40, INCA a travaillé à l’élaboration d’une machine de lecture satisfaisante et rentable avec Dominion Electrohome Industries de Kitchener, afin d’améliorer l’accès aux livres parlés pour les lecteurs aveugles canadiens.

 Le système Readophone : Le système de l’AFB n’était pas la seule utilisation de la technologie du phonographe pour enregistrer et reproduire de la littérature à l’intention des lecteurs aveugles. Les partisans du système Readaphone fondé à Los Angeles ont affirmé que c’était aussi « une invention révolutionnaire ». L’ingénieur de son d’Hollywood, Edward R. Harris, a développé le système Readaphone en utilisant des disques à cire comme moyen de reproduire des livres. Comme pour les imprimés en relief, il y a eu une concurrence entre les formats, les partisans du système Readaphone défendant fortement leur technologie par rapport aux machines et disques de livres parlés qui étaient en cours d’élaboration à l’AFB en même temps. Les différentes technologies d’enregistrement utilisées dans les deux systèmes signifiaient que les disques de l’un ne pouvaient pas être utilisés sur la machine de l’autre.

Nous avons reçu l’un des phonographes de lecture l’autre jour, mais tout notre personnel d’ingénierie n’a pas pu se servir de ce truc pendant plus de quelques minutes à la fois
— Robert B. Irwin, A.F.B.

Le Readophone a finalement été rejeté par un groupe d’experts techniques qui a corroboré le verdict des responsables des organismes représentant les aveugles. En 1935, le directeur général de l’AFB a déclaré ceci au directeur d’INCA, E.A. Baker : « Nous avons reçu l’un des Readophones l’autre jour, mais tout notre personnel d’ingénierie n’a pas pu se servir de ce truc pendant plus de quelques minutes à la fois avec ces disques... il y a beaucoup de fonctions particulières dans le Readophone et si on ne les utilise pas correctement, on endommage les disques. J’ai fait une égratignure assez importante sur l’un des disques et je ne suis probablement pas plus maladroit que le lecteur moyen ».

D. Orput, de Readaphone Corporation, à E.A. Baker et la réponse de E.A. Baker
Lettre - le 10 septembre 1937 (0:50)
D. Orput, Readaphone Corporation à E.A. Baker, CNIB

En 1937, les partisans du Readophone ont persisté et envoyé une lettre à Baker en s’appuyant  sur le côté tape-à-l’œil d’Hollywood pour commercialiser leur option : « Peut-on suggérer que l’Institut national canadien pour les aveugles et la Corporation du Readophone se mettent d’accord pour que le phonographe pour la lecture soit… la machine standard offerte aux personnes aveugles du Canada. À Hollywood, nous sommes particulièrement bien situés pour obtenir le meilleur talent disponible pour l’enregistrement des livres parlés et il serait très simple de faire ce que vous désirez à un prix qui, j’en suis sûr, saura vous satisfaire. » Baker a refusé l’offre.

Les Canadiens aveugles peuvent maintenant recevoir des licences gratuites.
W.A. Rush, le contrôleur de radio confirme à E.A. Baker que les licences gratuites pour la réception radio privée seront accessibles pour les candidats attestés par l’INCA comme ayant une perte de vision.

Radio : Le potentiel de la radio pour fournir de l’information et du divertissement aux auditeurs aveugles a été entravé par le coût des premiers équipements et l’exigence pour les propriétaires de récepteurs d’avoir une licence. En 1925, INCA a demandé une réduction à de nombreux fabricants de radios du Canada pour les acheteurs aveugles de radios, de batteries et de lampes, avec un bon de commande délivré par INCA. Le gouvernement a examiné la question des droits de licence en 1927 et décidé que les Canadiens aveugles pourraient recevoir des licences gratuites « étant donné qu’un grand nombre de personnes ainsi affligées qui bénéficient beaucoup de la réception de la radiodiffusion vivent dans la pauvreté ».

L'optophone : L’optophone, l’un des premiers efforts déployés en vue de fournir un équivalent sonore au texte, a finalement été jugé comme un échec retentissant. Cet appareil, fabriqué à Glasgow, a été l’un des premiers efforts visant à utiliser le son pour transmettre le contenu d’impression aux lecteurs aveugles. Lorsque l’appareil passait sur une ligne imprimée, des accords ou des motifs musicaux représentant les différentes lettres résonnaient dans un récepteur téléphonique. Contrairement au type surélevé, comme le braille et Moon qui exigeait des livres spécialement imprimés, ce système de production de son « fait en sorte que tous les ouvrages d’impression ordinaires, y compris la question de la dactylographie soient disponibles pour les personnes aveugles ». Il a utilisé des variations dans la conductivité électrique de l’élément chimique appelé le sélénium. Le récepteur téléphonique pourrait être conçu pour « chanter » divers tons par des pulsations de lumières appliquées au sélénium photosensible. Un utilisateur apprendrait à reconnaître les lettres représentées par différentes combinaisons de sons.

 

Les difficultés associées rendent cette chose tout à fait inutile. Le jeu n’en vaut guère la chandelle
— Sherman Swift

En 1920, les fabricants ont proposé d’envoyer à INCA un optophone au coût de 105 £, en soulignant que ces « instruments » avaient été fournis à des institutions de Londres, d’Édimbourg, de Paris et de la Belgique. La publicité extravagante du fabricant ne tenait pas la route. Le bibliothécaire en chef de INCA l’a qualifié de « jouet scientifique » et en a conclu que « pour la grande majorité des personnes aveugles, les difficultés associées rendent cette chose tout à fait inutile. Le jeu n’en vaut guère la chandelle ».

Envisager le son enregistré sur bande 

Le développement d’un dispositif combinant les principes du phonographe et des films sonores est en cours. Provenant d’un découpage de journal, la source est inconnue, en 1930

Les livres parlés ont présenté quelques inconvénients en tant que livres de bibliothèque. Les disques étaient lourds et fragiles. Ils se brisaient souvent pendant le transport du fabricant à la bibliothèque, ou de la bibliothèque au lecteur, ou vice versa. Même dans les premiers jours des livres parlés, des rumeurs couraient sur quelque chose d’encore mieux, une ramification du monde du cinéma. Un titre de journal de l’époque prétendait qu’il existait une « machine de lecture » qui combinait les principes du phonographe, des films sonores.

Une substance de film extrêmement mince appelée cellophane sur laquelle la voix de lecture a été imposée
— Article de nouvelles

L’article affirmait que l’appareil « allait être fabriqué plus simplement et être d’une taille plus petite que toute autre machine parlante jamais conçue... Les observateurs scientifiques compétents le considèrent comme le précurseur possible d’un robot de lecture... il décrit les enregistrements à partir des bandes enroulées d’une substance de film extrêmement mince appelée cellophane sur laquelle la voix de lecture a été imposée ».

W.M. Eager de National Institute for the Blind (Royaume-Uni) à E.A. Baker et S.C. Swift à E.A. Baker – Correspondance concernant la fragilité des disques de livres parlés venant de l’Angleterre et la possibilité du film comme remplacement

Le bibliothécaire en chef d’INCA, Sherman Swift, était heureux d’entendre parler du film comme d’une solution possible aux problèmes des livres parlés brisés. Il a écrit ceci en 1938 : « Il serait souhaitable d’aboutir bientôt à une solution, bien que cette solution puisse mettre nos organismes dans l’embarras pour avoir convaincu tant de personnes aveugles d’investir dans des appareils phonographiques. Toutefois, le disque sera toujours utilisé dans une certaine mesure ».